La voix au théâtre
Puissante, caressante, enjôleuse, triste, nerveuse ou langoureuse, la voix est
source infinie de variations possibles sur le thème de l’expression.
Elle peut aussi être source d’inquiétude, voire de panique lorsque, en
s’amincissant ou en se voilant, en ne répondant plus au quart de tour, elle
menace de disparaître.
J’ai enseigné plusieurs années l’ostéophonie dans le milieu du théâtre.
J’ai constaté les dures exigences vocales du métier: certains rôles ont beaucoup de
texte; il faut souvent parler fort, dans une acoustique sèche, encombrée de décors
et de tissus absorbant le son avant qu’il n’ait pu rejoindre les rangs des
spectateurs les plus éloignés. Il faut même parfois crier, hurler, et ceci pendant
bon nombre de représentations.
QU’EST-CE QUE L’OSTÉOPHONIE ?
L’ostéophonie est une approche de la voix à la fois globale et très ciblée qui, par
son naturel, agit de façon efficace et préventive.
Considérant la voix, l’instrument corporel et la personne comme un tout, elle
permet au comédien de faire corps avec sa voix.
La voix est vivante et vibrante. Elle résonne à l’intérieur d’un instrument musical
sensible et complexe : le corps humain.
Par une écoute sensorielle très fine de la vibration de la voix dans la charpente
osseuse, l’ostéophonie fait découvrir à chacun toutes ses ressources
résonantielles.
Le comédien est un musicien
On oublie souvent que le langage parlé est … de la musique!
Comme le violoniste se laisse guider par son oreille pour faire ses gammes et
produire les sons qu’il a envie d’entendre, le comédien a besoin de connaître
toute la variété des sons de sa voix pour en jouer librement dans son instrument
corporel.
Pour localiser tous ces sons, il faut prendre le temps de les écouter et de les sentir
vibrer. Plus on écoute sa voix, plus on la sent, plus le corps se détend et s’ouvre à
une résonance riche, naturelle et profonde.
Quand le corps résonne dans tous ses volumes intérieurs, la voix se propage
aisément dans l’espace de la salle.
Projeter la voix veut dire avant tout maximiser la résonance à l’intérieur du
corps et utiliser tout le spectre harmonique pour la clarté du texte, ce qui ne
constitue aucun effort en soi et laisse la place au jeu d’acteur.
Le travail ostéophonique est à la portée de chacun. Il demande de s’attarder dans
l’expérience sensorielle pour se défaire de mauvaises habitudes ayant créé des
tensions, et pour installer de nouveaux points de repères corporels fiables et
sécurisants sur lesquels le comédien pourra s’appuyer en tout temps.
Ce faisant, il augmente la qualité de son écoute, ce qui lui garantit une souplesse
et une adaptation du corps et de la voix aux diverses situations acoustiques.
L’ostéophonie propose toute une panoplie d’exercices qui, bien intégrés, mettent
le texte « en bouche » et « dans le corps », servent de réchauffement avant les
spectacles et de détente vocale après.
Elle permet d’assumer les exigences de la scène à long terme et se pratique
individuellement ou en groupe.
PLUS QU’UNE EXPÉRIENCE DE LA VOIX
L’écoute est aussi présence. L’apprentissage de l’ostéophonie rend vigilant ce qui
permet de capter à leur source les signes de fatigue vocale et de corriger aisément
les vieux réflexes qui refont surface.
Quand on se rapproche plus intimement de sa voix, elle prend de l’assurance.
Une fois cette relation établie, il est plus facile d’écouter les émotions qu’elle
véhicule et d’apprendre à gérer le stress.
En développant une relation d’écoute plus consciente avec sa voix, le comédien
s’assure non seulement d’une projection ciblée, mais il osera aussi un rapport de
plus en plus intime entre lui et le personnage qu’il joue, entre lui et ses collègues
de plateau et avec le public.
On parlera alors d’une présence, d’un personnage habité.
Françoise Lombard
Françoise Lombard donne des stages de groupe et des séances individuelles en Europe et au
Canada.